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La nouvelle communication européenne sur la définition du marché en cause

La nouvelle communication européenne sur la définition du marché en cause

Publié le : 29/03/2024 29 mars mars 03 2024

Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit de la
concurrence de l’Union européenne



Le 8 février 2024, la Commission Européenne (ci-après « la Commission ») a adopté une communication révisée sur la définition du marché en cause. Le précédent document datant de 1997, cette révision s’imposait pour tenir compte de l’évolution des échanges commerciaux et de leur numérisation mais aussi du retour d’expérience de l’autorité européenne de concurrence depuis près de 30 ans.

Cette communication est importante car elle a vocation à assurer la transparence, la prévisibilité et donc la sécurité juridique dans une matière complexe où le marché pertinent joue un rôle pivot permettant « d’identifier les concurrents concernés de l’entreprise ou des entreprises en question lorsqu’elles proposent ces produits ainsi que les clients concernés » pour l’appréciation concurrentielle (§6 et 22).

1.   Le processus de définition des marchés
La Commission rappelle que le marché est défini au regard de sa dimension produits[1] et sa dimension géographique[2].

Le critère de la substituabilité, concernant la dimension “produits”, est déterminant que ce soit du point de vue de la demande (principale considération) mais également du point de vue de l’offre (qui peut aussi entrer en ligne de compte) ;

Pour analyser cette substituabilité, désormais, la Commission européenne consacre aux côtés du prix, d’autres paramètres concernant les produits tels que leur degré d’innovation et leur qualité sous différents aspects, leur durabilité, leur utilisation efficace des ressources, leur durée de vie, la valeur et la diversité des utilisations offertes par le produit, la possibilité d’intégrer le produit à d’autres produits, l’image véhiculée ou la sécurité et la protection de la vie privée offertes, ainsi que sa disponibilité, y compris son délai de mise en route la résilience des chaînes d’approvisionnement, la fiabilité de l’approvisionnement et les coûts de transport.

La fonctionnalité et l’usage auxquels les produits sont destinés sont également des considérations permettant d’apprécier la substituabilité du côté de la demande (§48 et suivants).

Actant de ce que « l’importance relative de ces paramètres pour les consommateurs peut évoluer au fil du temps » (§15), la Commission tient compte de la substitution passée mais également d’une substitution hypothétique c’est-à-dire des informations concernant la réaction éventuelle des clients en cas de changements hypothétiques des conditions relatives à l’offre (§54).

L’évaluation de la substituabilité des produits peut utilement recourir au test SSNIP[3], également appelé le test du « Monopoleur hypothétique », dont la Commission rappelle l’intérêt et donne des exemples d’affaires où elle l’a utilisé en s’appuyant sur les estimations économétriques des élasticités de la demande dérivées de données numérisées (§53 et suivants).

La dimension géographique quant à elle est analysée au regard de différents facteurs tels que l’identité des fournisseurs, les parts de marché et le prix, les comportements d’achat et de préférences des clients pour les produits en cause, les barrières et les coûts liés à l’offre aux clients sur différents territoires, les facteurs liés à la distance, aux coûts de transport et aux zones de chalandise, et enfin les courants d’échange et les caractéristiques des expéditions (§62 et suivants). Concernant ce dernier point, la communication précise également le rôle des importations pour la définition du marché géographique pertinent, en ajoutant que la Commission prendra en compte les pressions concurrentielles exercées par les importateurs sur les entreprises dans son appréciation anticoncurrentielle plutôt que d’élargir le marché géographique en cause (§75).

2. Les circonstances spécifiques

La Commission intègre dans sa communication de nouveaux types de marchés spécifiques. Notamment, l’on retrouve :
  1. Les “marchés en présence d’une différenciation notable” dont les produits, bien que similaires, “peuvent être sensiblement différenciés de sorte que certains soient des substituts plus proches que d’autres” (§85).
  2. Les “marchés numériques” sont consacrés par la communication, à l’instar des marchés multifaces ou des « écosystèmes numériques ». La communication les définit comme “constitués d’un produit de base primaire et de plusieurs produits (numériques) secondaires dont la consommation est connectée au produit de base, par exemple par des liens technologiques ou l’interopérabilité”. La commission explique que dans les cas d’écosystèmes numériques, elle appliquera des principes similaires à ceux appliqués aux marchés de l’après-vente (§104).
  3. Les “marchés de produits groupés” concernent les produits dont les clients préfèrent les consommer ensemble. Dans ce cas, la Commission précise qu’elle pourra les examiner individuellement ou bien comme un marché de “produits en cause distinct” (§103).
  4. Les “marchés de l’après-vente” sont des marchés pour lesquels “la consommation d’un autre produit durable (produit primaire) conduit à la consommation d’un autre produit lié (produit secondaire)” (§99).
  5. Les “marchés présentant une discrimination entre clients ou groupes de clients”, lorsque “ceux-ci se voient offrir des conditions d’approvisionnement différentes (telles que des prix ou des niveaux de qualité différents) pour le même produit, pour des raisons indépendantes des coûts” (§88).
  6. Les marchés à forte intensité d’innovation sont également introduits par la communication. Concurrence et innovation étant intimement liés - d’autant plus en raison de la mondialisation des échanges – la Commission annonce que des produits en cours de développement, bien qu’ils ne soient pas encore disponibles pour les clients, peuvent être rattachés à un « marché de produits en cause existant ou à un nouveau marché de produits » lorsque « la visibilité de leur processus de R&D »  est suffisante pour « établir avec quel(s) autre(s) produit(s) le produit en cours de développement sera vraisemblablement substituable, si le développement de ce produit est mené à bien et si le produit est mis sur le marché. » (§91).

3. Parts de marché
Le calcul des parts de marchés est intrinsèquement lié au marché pertinent, autant sémantiquement que juridiquement. Les parts de marché ne pouvant s’analyser que sur un marché donné, il semble logique que la communication précise certains paramètres supplémentaires pour leur calcul par rapport à sa version de 1997, telles que les parts de marché fondées sur les ventes, les capacités ou encore celles fondées sur le nombre d’utilisateurs (étant précisé qu’il faut que ces utilisateurs soient « actifs ») ou sur les visites des différents sites web (§108).  
 
[1] Le marché de produits en cause comprend tous les produits que les clients considèrent comme interchangeables ou substituables à celui ou ceux de la ou des entreprises concernées, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché (§12)
[2] « Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées offrent ou demandent des produits en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour que les effets du comportement ou de la concentration faisant l’objet de l’enquête puissent être appréciés et qui peut être distingué des autres territoires en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires »
[3] Augmentation légère mais significative et non transitoire des prix

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