Transport de colis: l'ADLC condamne 20 entreprises et leur syndicat professionnel pour pratiques concertées portant sur les éléments de détermination de leurs tarifs
Publié le :
17/12/2015
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décembre
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2015
Source : www.autoritedelaconcurrence.frAut. conc., déc. n° 15-D-19, 15 déc. 2015
Alertée dans le cadre d’une procédure de clémence, en octobre 2008, l’Autorité s’était saisie par décision du 4 novembre 2009 de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la messagerie. A la suite d’une nouvelle demande de clémence du 12 avril 2010 formulée comme la précédente par le groupe Deutsche Bahn et ses filiales, l’Autorité s’était à nouveau saisie d’office de pratiques mises en œuvre cette fois dans le secteur de la messagerie express. Par la suite, en 2010 également, la société Alloin a demandé à son tour le bénéfice de la clémence. Les deux affaires ont été jointes, puis disjointes pour réserver semble t-il un sort spécifique au réseau France Express …qui devrait donc faire l’objet d’une autre décision à venir.
Le 15 décembre 2015, l’Autorité a donc pour cette fois condamné 20 entreprises ainsi que le syndicat professionnel TLF intervenant dans le secteur de la messagerie (transport de colis) pour deux pratiques
-l’une consistant pour, 20 entreprises du secteur – dont Chronopost, DHL Express France, FedEx Expresse France, Geodis, TNT Express France –, à s’être concertées sur des hausses tarifaires annuelles entre septembre 2004 et septembre 2010. Cette pratique, la plus lourdement sanctionnée (670,9 millions € d’amende), s’est matérialisée par des échanges fréquents de données, précises, individualisées et stratégiques couvrant des paramètres de prix futurs. Ces échanges ont eu lieu dans le cadre de l’association professionnelle TLF à l’occasion de réunions de l’instance Conseil de Métiers, et ont été complétés par des contacts bilatéraux ou multilatéraux.
-l’autre consistant, pour 15 de ces mêmes entreprises, à s’être entendues entre mai 2004 et janvier 2006 sur la définition d’une méthode commune de répercussion d’une « surcharge gazole » (1,4 millions € d’amende)
1°) Des pratiques de concertation anticoncurrentielles par objet
Concernant la démonstration de l’existence des pratiques, les éléments apportés par les demandeurs à la clémence ont été décisifs (déclarations, courriels, courriers, …).
Ces pratiques sont qualifiées d’anticoncurrentielles par objet conformément à la règle selon laquelle, une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel, au sens de l’article 101(1) TFUE, lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun, sans qu’il soit nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation (§617 ; cf. CJUE, 4 juin 2009, T -Mobile Netherlands e.a.,aff. C-8/08, point 43).
L’Autorité ajoute fermement : « Une entente portant sur des éléments de détermination du prix ne soulève au regard de la pratique décisionnelle ou de la jurisprudence, tant nationale qu’européenne, aucun doute sur son caractère anticoncurrentiel sans qu’il soit besoin d’en démontrer les effets » (§696).
2°) La preuve des adhésions de chacun : indifférence du cadre syndical
On peut relever avec intérêt les développements relatifs à la démonstration de l’adhésion de chacun à la pratique, sachant que, d’une manière générale, « concernant les ententes horizontales, il n’existe aucune règle particulière quant à la structure ou à la forme du faisceau d’indices utilisé pour démontrer l’accord de volontés » (§802) :
-concernant les entreprises ayant participé aux réunions du syndicat TLF, l’Autorité applique le standard de preuve prévalant en droit européen applicable en l’espèce, selon lequel la participation même passive à une seule réunion – même tenue dans un cadre statutaire – ayant un contenu anticoncurrentiel suffit pour établir l’adhésion du participant à l’entente à moins de démontrer s’être distancié publiquement du contenu de la réunion (§767-768 ; 779). Notons que, lorsque le droit français seul s’applique, la pratique décisionnelle et la jurisprudence françaises se sont jusqu’à présent distinguées de cette position puisque, en cas de réunion organisée dans un cadre statutaire, une unique participation doit être complétée par des éléments de preuve supplémentaires (participation à une réunion ultérieure ayant le même objet anticoncurrentiel, diffusion auprès de concurrents des consignes décidées en réunion, mise en oeuvre de ces consignes, ou mise en cause par un autre membre du cartel prouvant l’adhésion de l’entreprise à la pratique anticoncurrentielle);
-en ce qui concerne la participation du syndicat lui même, tiers non actif sur le marché, l’Autorité relève qu’il ne s’est pas contenté de fournir à ses membres un cadre pour leur entente mais a pris au contraire une part active dans l’organisation et la mise en œuvre des pratiques reprochées dont il connaissait parfaitement le caractère anticoncurrentiel (§864). On peut retrouver ici quelques éléments de l'analyse adoptée par le TPIUE et la CJUE concernant les facilitateurs d’entente (voir commentaire sur ce blog de l’arrêt du 22 oct. 2015, aff. C-194/14 P, AC Treuhand AG).
3°) Des sanctions calculées avec mesure
Au final, le montant total de la sanction est très élevé et, pourtant, l’Autorité annonce avoir été indulgente et explique même sa démarche dans une fiche à laquelle il est possible d’accéder via le communiqué de presse en ligne (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=606&id_article=2678) :
-pour la pratique, relative à la répercussion du prix du gazole en pied de facture, elle a appliqué un forfait proportionné à la situation très particulière liée au contexte économique et à l’intervention des pouvoirs publics qui a pu susciter une certaine confusion dans l’esprit des professionnels ;
-pour l'autre pratique, de hausse coordonnée des tarifs, elle a appliqué son communiqué du 16 mai 2011 sur les sanction, en retenant 9% de la valeur des ventes de chaque entreprises, appliquant un coefficient multiplicateur correspondant à la durée des pratiques au mois près, puis elle a accordé des réductions en contrepartie de la clémence ou de la non contestation de griefs de certaines, et enfin a tenu compte des difficultés financières rencontrées par 6 sociétés en leur accordant une réduction allant jusqu’à 99,9% sur la sommes théoriquement due.
Le demandeur à la clémence, ayant alerté l’Autorité, n’a pas bénéficié d’une immunité totale faute d’avoir respecté ses obligations de coopération figurant dans l’avis de clémence, puisqu’il a participé à une nouvelle réunion du Conseil de Métiers en septembre 2010. Le demandeur à la clémence de second rang a quant à lui bénéficié d’une réfaction de 30% , soit le maximum que lui accordait l’avis de clémence.
Avant ces ajustements, on peut relever que le montant de base des sanctions tenait compte des éléments suivants mentionnés dans le communiqué de presse :
-les contacts ont eu lieu entre les principaux opérateurs du marché français, représentant une part importante du chiffre d’affaires du secteur.
-les pratiques ont affecté la quasi-totalité du tissu industriel et commercial dont le secteur, en pleine expansion, du e-commerce
-sur ce secteur, les victimes sont bien identifiées : il s’agit d’abord des petites et moyennes entreprises (PME) dont la compétitivité a été impactée et ensuite des consommateurs pour lesquels le prix du transport représente un élément important du cout de leurs achats en ligne. A ce titre, on peur relever notamment le §762 dans lequel l’Autorité répondant à un argument en défense, prend soin de souligner que « ces prix plus élevés étaient, d’une manière ou d’une autre, nécessairement répercutés à la fin de la chaîne de valeur, c’est-à-dire sur le consommateur final ».
En cette fin d’année, cette décision - la première en 2015 à être rendue à la suite d'une demande de clémence* - démontre toute l’efficacité de la procédure de clémence à laquelle ont été consacrés un communiqué le 3 avril dernier, puis un chapitre entier du rapport d’activité annuel 2014 de l'ADLC, publié en septembre 2015 (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/clemence_ra2014.pdf).
* une précédente décision rendue dans l’affaire de la boulangerie artisanale, n° 15-D-04, n’avait qu’un lien indirect avec une demande de clémence puisqu’elle était issue d’une enquête de la DGCCRF dont les éléments avaient été joints à un dossier de l’Autorité initié par une demande de clémence ; les deux affaires avaient par la suite été disjointes et avaient fait l’objet de deux décisions différentes appelées « Farine I » et « Farine II ». Lire la suite
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