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MEUNIER NE DORT QUE D’UN OEIL

MEUNIER NE DORT QUE D’UN OEIL

Publié le : 26/03/2015 26 mars mars 03 2015

Trois ans après la décision n° 12-D-09, l’Autorité de la concurrence s’est prononcée sur le « second volet » de l’affaire des farines alimentaires, aux termes d’une décision n° 15-D-04 en date du 26 mars 2015.
 
Contexte : un dossier créé par versement de pièces issues d’une autre procédure
 
Le premier volet visait le secteur de la farine en sachets et avait été initié par une demande de clémence présentée par des meuniers allemands, débouchant sur une décision d’auto-saisine adoptée en avril 2008. L’Autorité avait par la suite eu connaissance du second volet lorsque la DGCCRF lui avait communiqué des fiches d’indices recueillis durant l’été 2007 faisant état d’un comportement parallèle des meuniers consistant à avoir augmenté en deux temps le prix de la farine après avoir annoncé cette augmentation par voie de circulaires. Dans la mesure où la décision d’auto-saisine, adoptée un an auparavant, avait opportunément visé très largement le secteur de la « farine alimentaire », les services d’instruction ont estimé pouvoir rattacher au premier volet les éléments communiqués par la DGCCRF à un dossier qui, pourtant, concernait un autre secteur et d’autres pratiques. Une disjonction a ensuite séparé les deux affaires, la première faisant l’objet d’une décision le 13 mars 2012 (Adlc, déc. 12-D-09, 13 mars 2012, n° RLC 2012/32, obs. Sélinsky V., réformée partiellement par CA Paris, pôle 5, chambre 5-7, 20 nov. 2014, RG n° 2012/06826). Grâce  à la « jonction-disjonction », les services d’instruction ont pu réunir dans un nouveau dossier consacré aux farines boulangères, d’une part les éléments apportés par la DGCCRF faisant état d’un comportement parallèle des meuniers, et d’autre part des pièces recueillies lors des OVS effectuées pour établir les pratiques dans le premier volet relatif aux farines en sachet.
 
C’est le « second » volet qui a donné lieu à la notification d’un grief  à 11 entreprises de meunerie leur reprochant d’avoir participé à une entente horizontale ayant eu pour objet de déterminer en 2007 un objectif de hausse de prix de la farine à proposer en deux temps en juillet puis à l’automne 2007.
 
Une procédure bien étrange, même si elle est finalement validée
 
Les parties ont soulevé des arguments de procédure, tous rejetés : irrégularité de la saisine d’office adoptée en vertu d’un texte qui ne prévoyait pas encore l’intervention préalable du rapporteur général pour garantir le principe de séparation des fonctions d’instruction et de décision, durée excessive de la procédure, atteinte au principe d’égalité des armes en ce que la disjonction a privé les parties de l’accès à l’entier dossier, violation du secret des affaires en raison d’un déclassement de pièces non sélectif et disproportionné, atteinte au principe du contradictoire, conduite déloyale et partiale de l’instruction.
 
Notamment, il résulte de la décision qu’un procès-verbal d’audition établi par le rapporteur avait été soustrait du dossier mais avait été découvert tardivement alors qu’il s’agissait d’une pièce à décharge : l’argument est écarté, au motif que ce document a pu être discuté en séance et par une note en délibéré.  En conséquence il ne peut être « reproché au collège » de ne pas en avoir tenu compte. Au collège, sûrement, mais au rapporteur ??? 
 
Où l’on reaffirme qu’un parallélisme de comportements ne suffit pas à démontrer une entente horizontale
 
Concernant la réalité et le bien fondé du grief, la plupart des entreprises poursuivies ont obtenu de l’Autorité de la concurrence un non lieu en raison de l’absence d’éléments attestant de leur participation à l’entente. En effet, le fait pour les meuniers d’avoir augmenté leurs prix de vente de la farine dans des conditions similaires ne révélait rien d’autre qu’un simple parallélisme de comportement s’expliquant parfaitement autrement que par une pratique concertée puisqu’il répondait à un évènement subi de manière identique par tous, à savoir l’augmentation brutale du cours du blé en 2007 « perturbant le fonctionnement normal du marché » qui, du reste, est suffisamment transparent pour que « les multiples offreurs puissent pratiquer une veille concurrentielle permanente ». Trois entreprises – déjà sanctionnées dans le premier volet – ont néanmoins été condamnées en raison de la preuve de la participation de leurs représentants à une réunion informelle au cours de laquelle ils ont décidé un objectif de hausse de prix de la farine vendue aux boulangeries artisanales. Leurs sanctions sont particulièrement faibles, comparées à leurs chiffres d’affaires, en raison d’une appréciation volontairement favorable de tous les éléments de détermination de la sanction : l’Autorité a retenu 10% de la valeur de leurs ventes limitées à la farine de blé en vrac ou en sacs aux boulangeries artisanales au cours de l’année 2007, excluant les mixtes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisserie, puis a appliqué un coefficient multiplicateur de 0,5% « à titre exceptionnel et au large bénéfice des entreprises mises en cause » au titre de la durée de la pratique, limitée à 6 mois. L’une des trois entreprises a encore vu sa sanction diminuer en raison de difficultés financières.
 

                                                                                                                                 Sylvie Cholet et Véronique Sélinsky
 
 

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