Un nouveau camouflet pour Caudalie dans le cadre de la guéguerre avec E-nova
Publié le :
28/04/2016
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2016
On s'est déjà fait l'écho sur ce blog des litiges opposant les deux firmes (cf notre comm. de CA Paris, 2 février 2016)
http://blog.selinsky-avocats.com/accueil/articles/le-dynamique-createur-d-agn-avocats-gagne-un-premier-round-en-matiere-de-vente-de-produits-dermo-cosmetiques-sur-des-marketplaces-102.htm
Cette fois, Caudalie perd son référé en diffamation devant le TGI de Nanterre (Cf TGI Nanterre, 25 avril 2016, RG 16/00884).
Rappelons que la firme a pour objet la fabrication et la distribution de produits cosmétiques, via un réseau de distribution sélective dans des pharmacies et des parapharmacies agréées soit en point de vente physique, soit sur internet via leurs propres sites. En l'espèce, elle dirigeait son courroux contre le président de la SAS eNova Santé (marketplace qui fédère des pharmacies sur le site internet www.1001pharmacies.com afin de leur permettre de vendre leurs produits en ligne) .
Le 4 Janvier 2016, la Société Caudalie l'a assigné en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre se plaignant d'être victime d'une diffamation en raison de la publication sur la page Facebook personnelle du jeune entrepreneur de propos faisant état de la saisine de l'Autorité de la concurrence par 1001 Pharmacies, et du caractère "honteux" des agissements du fabricant consistant à "imposer" des pressions commerciales aux revendeurs.
Invoquant un "trouble manifestement illicite", Caudalie demandait la suppression du message incriminé et la publication d’un correctif sur la page Facebook concernée . Elle soutenait que M. O’Neill avait jeté « volontairement » le discrédit sur la société demanderesse « en insinuant de manière systématique, régulière et reconnue de tous, dans le message sur son mur Facebook » qu'elle violait les lois et les règlements en matière de distribution dans son propre réseau, faisant croire qu’elle commettait des « actes illicites honteux ». Elle jugeait ces propos diffamatoires en ce qu’ils portaient« atteinte à son image de marque auprès de sa clientèle, à son honneur et à sa réputation ».
Le défendeur demandait le sursis à statuer qui lui est refusé au motif que l’article 35, alinéa 5 de la loi de 1881 ne l'impose que dans les domaines où l’exceptio veritatis est proscrite par les premiers alinéas de l’article, « lorsque le fait imputé caractérisant la supposée diffamation fait l’objet d’une poursuite pénale la requête du ministère public ou sur la plainte du prévenu de diffamation ». Or, en l’espèce « ces conditions ne sont pas remplies puisque l’imputation ne concerne pas la vie privée de la personne prétendument diffamée et qu’aucune procédure au sens de cet article n’a été engagée par le ministère public ou par M. O’Neill, que la seule procédure invoquée est la saisine de l’ADLC laquelle a été saisie non pas par M. O’Neill mais par la personne morale eNova Santé ». Enfin, « aucune des circonstances exposées par M. O’Neill ne justifie qu’il serait d’une bonne administration de la justice d’attendre l’issue de la procédure engagée par la Société eNova Santé devant l’ADLC pour statuer sur les demandes de la société Caudalie. »
Sur le fond, le tribunal a jugé que l'urgence n'était pas caractérisée.
Après avoir rappelé la définition légale de la diffamation, issue de la loi du 29 Juillet 1881, l'ordonnance constate que ces propos sont « avec l’évidence requise en référé, suffisamment précis et articulés pour faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de la vérité et portent de façon manifeste atteinte à l’honneur de la demanderesse ».
Cependant, si « les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites, avec l’intention de nuire, (...) elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime étranger à tout animosité personnelle, qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences » (telles que le sérieux de l’enquête et la prudence de l’expression).
M. O’Neill, en faisant état de la saisine de l’Autorité « ne poursuit aucune vindicte personnelle contre la Société Caudalie » et son message doit s’apprécier en lien avec les différents contentieux qui les opposent. Le message apparaît au juge des référés dépourvu de toute « animosité personnelle » en ce que ses propos « n’excèdent pas avec l’évidence requise en référé la liberté d’expression admise à l’égard d’un concurrent avec lequel il existe un différend commercial réel ".
Le fait que M. O’Neill, président de la Société eNova, ait publié les propos sur sa page Facebook personnelle, est en « lien direct » avec son activité : sa page Facebook en fait la promotion puisqu'elle comporte des mentions tellesque « 1001pharmacies.com » et « Achetez votre parapharmacie en ligne sur le site des pharmacies française ». Le message doit donc être apprécié en lien avec les différents contentieux l’opposant à la Société Caudalie.
La décision a retenu la bonne foi du défendeur résultant de « moyens sérieux ».
Constatant que les documents produits au débats comportaient :
- des courriels de pharmaciens critiquant caudalie,
- Une consultation juridique établie pour la Société eNova en Mai 2015 par le professeur M. CHAGNY, sur la pratique d’interdictions catégoriques des plate-formes Caudalie,
- Un arrêt de la CJUE du 13 Octobre 2011,
- L’avis de l’Autorité de la concurrence n°12-A-20 sur 18 Septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique,
- Deux décisions de cette Autorité des 23 Juillet 2014 et 24 Juin 2015 relatives à la vente en ligne par le biais de plate-formes internet
Enfin, elle était faite sur une page Facebook jugée d’une audience limitée (755 amis et 104 followers).
La demande est donc rejetée.
Le lecteur de l'arrêt éprouve une certaine perplexité devant la stratégie de Caudalie qui a contribué à diffuser la critique d'E-nova bien au delà des lecteurs Facebook... En revanche, ce nouveau succès est à mettre à l'actif de l'avocat d'E-nova.
On attend la prochaine manche ?
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