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Point sur la notion de « facilitateur » d’une entente pouvant être considéré comme co-auteur et condamné à ce titre

Publié le : 26/10/2015 26 octobre oct. 10 2015
Source : curia.europa.eu
Le 22 octobre 2015, la Cour de Justice des communautés européennes a rejeté le pourvoi formé par la société AC-Treuhand AG (CJUE, 22 oct. 2015, aff. C-194/14 P, AC Treuhand AG).
 
Cette société s’était vue condamner pour la seconde fois par la Commission européenne le 11 novembre 2009 pour avoir enfreint les dispositions de l’article 81(1) Traité CE (devenu 101§1 TFUE) en ayant « participé du 1er décembre 1993 au 21 mars 2000, dans le secteur des stabilisants étain, et du 1er décembre 1993 au 26 septembre 2000, dans le secteur ESBO/esters, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées au sein de l’EEE, et consistant à fixer les prix, à répartir les marchés au moyen de quotas de vente, à répartir les clients et à échanger des informations commerciales sensibles, en particulier sur les clients, la production et les ventes. » (déc. C (2009) 8682 du 11 nov. 2009, conf. TPIUE, 6 fév. 2014, aff. T-27/10, dit « arrêt AC-Treuhand II »). Précédemment, elle avait déjà été condamnée pour avoir participé à un échange d’informations anticoncurrentiel entre trois producteurs concurrents de peroxydes organiques (déc. 2005/349/CE de la Commission, CE, du 10 déc. 2003, conf. TPICE, 8 juill. 2008, aff. T-99/04, AC Treuhand AG, dit « arrêt AC-Treuhand I »).
 
La particularité de ces condamnations tient à ce que la société AC-Treuhand n’est pas un opérateur intervenant sur le marché sur lequel l’entente a eu lieu, mais une société de conseil offrant divers services aux associations et groupes d’intérêts tels la collecte, le traitement et l’exploitation des données du marché, la présentation des statistiques du marché et le contrôle des chiffres communiqués chez les participants.
 
Cette société a donc été considérée comme ayant « facilité » l’entente puisqu’elle a, dans le cadre d’une mission qui lui a été confiée expressément et contractuellement à cette fin, sciemment joué un « rôle essentiel » dans la conception et la mise en œuvre de l’entente «  en organisant plusieurs réunions auxquelles elle a assisté et participé activement, en collectant et en fournissant aux producteurs de stabilisants thermiques des données sur les ventes dans les marchés en cause, en proposant d’agir en tant que modérateur en cas de tension entre ces producteurs et en encourageant ceux-ci à dégager des compromis, et ce contre rémunération. » (§9 et 37).
 
La CJUE ne s’était pas encore prononcée sur la question qui lui était posée de savoir si l’article 101(1) TFUE doit être interprété restrictivement en ce sens que l’auteur de la pratique ne peut qu’être intervenant actif sur le marché sur lequel il restreint sa liberté d’action.
 
En 2008, dans l’affaire AC Treuhand I, le TPICE avait répondu par la négative ajoutant que l’opérateur même non actif sur ledit marché peut être tenu pour personnellement responsable d’une entente, en tant que co-auteur, du moment qu’est établie sa volonté propre de souscrire, même tacitement, aux objectifs de l’entente. La commission avait relevé ce précédent dans sa décision rendue à l’occasion de l’affaire AC Treuhand II, et le Tribunal l’a souligné au point 10 de son arrêt de 2014.
 
Pour répondre à cette question, la Cour se fonde sur le principe de l’effet utile du droit de l’union européenne : soutenir l’interprétation préconisée par la requérante, selon laquelle l’article 81(1) CE (devenu 101(1) TFUE) ne peut concerner un opérateur n’exerçant pas une activité économique sur le marché pertinent, s’oppose à l’objectif principal de ladite disposition, qui est d’assurer le maintien d’une concurrence non faussée à l’intérieur du marché commun et dont la pleine efficacité suppose donc de « faire échec à la contribution active d’une entreprise à une restriction de concurrence » même lorsque « cette contribution ne concerne pas une activité économique relevant du marché pertinent sur lequel cette restriction se matérialise ou a pour objet de se matérialiser. » (§36)
 
La Cour insiste bien sur le rôle très particulier que la requérante avait joué dans l’entente (§9 et 37 susvisés), « le but même des services fournis par AC‑Treuhand sur la base des contrats de prestation de services conclus avec lesdits producteurs étant la réalisation, en toute connaissance de cause, des objectifs anticoncurrentiels en question, à savoir, ainsi qu’il ressort du point 4 de l’arrêt attaqué, la fixation des prix, la répartition des marchés et des clients ainsi que l’échange d’informations commerciales sensibles. »
 
Nul doute qu’un tel attendu est de nature à réduire la portée de la notion de « facilitateur » pouvant être tenu pour personnellement responsable d’un échange d’informations anticoncurrentiel : est en effet exclu l’opérateur - non actif sur le marché pertinent - qui serait en contact avec des concurrents dans le cadre de relations bilatérales, et qui serait utilisé par eux comme support à une entente alors que ses services n’ont pas pour but de réaliser en toute connaissance de cause des objectifs anticoncurrentiels.
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