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Peut on refuser de vendre aux clients d'un concurrent ?

Peut on refuser de vendre aux clients d'un concurrent ?

Publié le : 30/09/2015 30 septembre sept. 09 2015

CA Paris, 24 sept. 2015, n° 2014/17586
 

Cegedim SA vend aux laboratoires pharmaceutiques des logiciels de gestion et des bases de données de médecins prescripteurs, deux solutions de gestion de clientèles (dites « CRM ») pouvant être achetées ensemble ou auprès de deux prestataires différents.
Elle détient, grâce à sa base de données appelée Onekey, une position dominante sur le marché des bases de données d’informations médicales à destination des laboratoires pharmaceutiques pour la gestion des visites médicales.

Le 8 juillet 2014, l’Adlc l’a condamnée à une amende de 5,7 millions d’euros pour avoir, pendant presque 6 ans, refusé de vendre sa base de données aux laboratoires utilisant le logiciel de gestion de la société Euris, alors qu’elle accédait aux demandes des clients d’autres prestataires (déc. n° 14-D-06 du 8 juill. 2014, http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/14d06.pdf)
 
Cette pratique relève à la fois d’un abus d’éviction et d’un abus d’exploitation. Elle était susceptible de contribuer à la disparition d’Euris, avec pour effet de supprimer une offre alternative aux laboratoires. L’explication avancée par Cegedim, reposant sur des soupçons de contrefaçon de sa base de données, n’a pas été acceptée par l’Autorité, conformément à sa pratique décisionnelle selon laquelle l’attitude prétendument déloyale d’un concurrent peut certes justifier une action judiciaire mais en aucun cas une pratique anticoncurrentielle (déc. n° 09-D-14 du 25 mars 2009, 10-D-11 du 24 mars 2010).
 
Un peu plus d’un an plus tard, le 24 septembre 2015, la Cour de Paris confirme la sanction. Elle approuve la délimitation par l’Autorité d’un marché des bases de données d’informations médicales à destination des laboratoires pharmaceutiques pour la gestion des visites médicales. Cegédim est également présente sur le marché connexe des logiciels de gestion en matière de CRM, service spécifique et non substituable à d’autres services relatifs au marketing. La connexité était contestée mais la cour souligne qu’il n’est  « pas contestable qu’un logiciel de gestion de relations clients ne peut fonctionner sans base de données des clients intéressés par le ou les produits commercialisés par l’entreprise qui recourt à ce service, que cette base regroupe des données internes à l’entreprise ou qu’elle soit produite par un tiers, ou encore que la base interne à l’entreprise soit enrichie par celle fournie par un tiers ».
 
Cégédim contestait toute domination sur le premier marché, ce qui offre à la Cour l’occasion de rappeler que les parts de marché ne sont pas le seul critère et que « les incertitudes sur le montant exact de la part du marché pertinent détenue par l’entreprise en cause peuvent être compensées par d’autres indices, dès lors que l’ensemble des éléments relevés permet de conclure que celle-ci peut faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur ce marché, sa situation lui donnant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents et de ses clients ».
 
L’abus (sur le marché connexe) résultait bien d’un refus de vente discriminatoire et non d’une vente liée comme le soutenait Euris, sachant que Cegedim acceptait par ailleurs de vendre sa base de données à des laboratoires ayant recours aux logiciels de gestion d’autres prestataires concurrents. Seuls les clients d’Euris faisaient l’objet d’une fin de non recevoir.
 
Concernant le calcul de la sanction dans l’hypothèse où l’abus est commis sur un marché connexe et non sur celui où l’opérateur est dominant : il importe peu que le marché connexe n’ait pas fait l’objet d’une délimitation exacte puisqu’il s’agit du marché affecté et non du marché sur lequel la position dominante a été observée qui, lui, nécessitait donc une analyse précise ; il suffit que l’on connaisse précisément la valeur des ventes en relation directe avec l’infraction. En l’espèce, la valeur des ventes servant de base de calcul à la sanction pouvait donc être le chiffre d’affaires réalisé avec les ventes de logiciels CRM spécifiques au secteur de la santé.  Sur cette base de calcul, un coefficient de 4% a pu justement être appliqué tenant compte de la gravité des pratiques et du dommage à l’économie.
 

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