Non-lieu pour les aéroports et les loueurs de véhicules de courte durée
Publié le :
27/02/2017
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Source : www.autoritedelaconcurrence.frLe 27 février 2017, l’Autorité de la concurrence a prononcé un non-lieu à poursuivre la procédure au titre de deux griefs notifiés pour l’un à des sociétés de location de véhicules et des gestionnaires d’aéroports, et pour l’autre uniquement à des loueurs.
Cette décision était attendue après que les poursuites aient été rendues publiques par la presse, informée à l’occasion de l’introduction en bourse d’Europcar (ex. Les loueurs de voiture dans le collimateur de l’Autorité de la concurrence, lemonde.fr, 22.05.2015 ; Le cartel des loueurs de voitures dans le viseur des autorités, BFMBusiness, 22.05.2015).
Cette procédure, initiée par le ministre de l’économie en 2009, devenait particulièrement pesante pour des entreprises dont certaines étaient dans un processus de privatisation (Aéroports de Lyon et de Nice début 2016).
C’est donc sans aucun doute avec soulagement que les intéressés ont reçu la nouvelle de leur mise hors de cause.
1°) Au titre du premier grief, les poursuites visaient d’une part les 6 principales entreprises en France de location de véhicules de courte durée et d’autre part 9 sociétés, 9 CCI et un syndicat mixte gérant ou ayant géré les 12 principales plates-formes aéroportuaires de France.
Il leur était reproché une pratique concertée sur le marché français de la location de véhicules de courte durée dans les aéroports « constituée des échanges réguliers et permanents d’informations confidentielles, précises et individualisées sur l’activité des loueurs de voitures. Ces échanges d’informations confidentielles entre les sociétés de location de voitures ont eu lieu dans chacun des douze aéroports français visés par la procédure et ont été facilités par les gestionnaires des aéroports qui ont ainsi participé à la pratique concertée. Celle-ci a eu pour objet et effet d’orienter les politiques et les stratégies commerciales des sociétés de location de voitures, limitant ainsi leur autonomie commerciale sur ce marché. »
Cette affaire aurait pu donner l’occasion à l’Autorité de la concurrence de se prononcer pour la première fois sur le nouveau concept de « facilitateur d’entente » issu de la jurisprudence européenne. En effet, l’échange d’informations reproché aux loueurs était indirect puisque réalisé au travers des gestionnaires d’aéroport :
- dans un premier temps, pour des raisons liées à l’exécution des contrats d’occupation du domaine aéroportuaire ou des baux civils, les aéroports reçoivent mensuellement des informations de la part des loueurs sur, notamment, leurs chiffres d’affaires respectifs (afin de calculer la partie variable de la redevance d’occupation), le nombre de contrats qu’ils ont conclus (afin de connaitre l’évolution de l’activité de chacun et procéder le cas échéant à une réallocation des places de parking) au titre du mois précédent
- dans un second temps, les aéroports adressaient ces informations aux loueurs sous forme de statistiques afin de leur permettre notamment de vérifier l'absence de traitement discriminatoire entre eux
En définitive, plutôt qu’un « échange » il s’agissait d’une réception par les loueurs d’informations transmises par chaque gestionnaire d’aéroport avec lequel ils étaient en relation contractuelle.
Ce faisant, les aéroports étaient-ils des « facilitateurs d’entente » ?
Récemment, la CJUE a confirmé la possibilité de condamner un « facilitateur » en tant que co-auteur même s’il n’est pas actif sur le marché en cause sur lequel opèrent les membres principaux de l’entente mais à certaines conditions (CJUE, 22 oct. 2015, aff. C-194/14 P, AC Treuhand AG ; voir sur ce blog ).
En Espagne, l’unique gestionnaire d’aéroport, l’AENA, a pour sa part été condamné pour avoir contribué à un échange d’informations entre 11 sociétés de location de véhicules.
Toutefois, la décision de l’Adlc du 27 février ne fait aucune référence à la notion de facilitateur puisque, faute d’entente, il ne pouvait y avoir de facilitation …
D'abord, on peut relever dans la décision de l'Autorité la précision qu'elle a tenu à apporter de ce que, selon elle, la pratique d'"échange d'informations entre concurrents" ne vise uniquement les cas de transmissions périodiques de données confidentielles nominatives portant sur des comportements passés, à l'exclusion des échanges portant sur des stratégies futurs envisagées (§ 109).
Ensuite, pour conclure à l’absence d’entente d’échange d’informations, s'agissant de données passées, l’Autorité de la concurrence a appliqué les principes résultant des arrêts rendus par les juridictions de l’Union dans l’affaire dite des « tracteurs anglais » (TPI, 27 oct. 1994, John Deere Ltd, aff. T-35/92 ; CJUE, 28 mai 1998, John Deere Ltd, aff. C-7/95), des lignes directrices de la commission européenne sur les accords de coopération horizontale, de la jurisprudence et pratique décisionnelle nationales (CA Paris, 6 sept. 2006, aff. des palaces parisiens, Cons. conc., déc. n° 05-D-65 du 30 nov 2005, secteur de la téléphonie mobile, Cass. com., 27 juin 2007, Bouygues Télécom,n° 07-10303, 7 avr. 2010, n° 09-12984). Elle s’est tour à tour intéressée à la structure du marché, d’une part, et au caractère stratégique des informations échangées, d’autre part pour constater l'absence d'effet anticoncurrentiel de la pratique.
- L’analyse de la structure du marché est, selon l’Autorité, une « condition nécessaire pour apprécier la possibilité d’une atteinte à la concurrence ». Constatant en l’espèce que le marché est concentré bien qu’instable elle précise que « la jurisprudence n’exige pas l’existence d’un oligopole stable pour établir le caractère anticoncurrentiel d’un système d’échange d’informations. ». Autrement dit, même en l’absence d’un oligopole stable, l’atteinte à la concurrence résultant d’un échange d’informations est possible.
- Concernant le caractère stratégique ou non des informations échangées, l’Autorité de la concurrence considère qu’il ne se déduit (1) ni de leur seul caractère confidentiel et non disponible sur le marché (2) ni de leur seule nature, mais s’apprécie au vu du fonctionnement concret du marché et des circonstances spécifiques à l’espèce afin de déterminer si les informations en question permettaient aux entreprises d’appréhender les stratégies tarifaires et commerciales de leurs concurrents et donc d’adapter leur comportement concurrentiel sur le marché.
Or, en l’espèce les informations ne sont pas suffisamment précises puisqu’elles agrègent les contrats conclus avec les clients « diffus » c’est-à-dire les particuliers d’une part et les contrats conclus avec les clients « grands comptes » c’est-à-dire les professionnels d’autre part, deux catégories dont les différences entre les modes de fonctionnement, la formation des prix et le niveau de transparence initiale sont telles qu’elles correspondent chacune à un marché distinct. En outre, l’Autorité relève la difficulté d’interpréter l’évolution du chiffre d’affaires mensuel en raison de l’ « effet de composition » des offres (variété des tarifs, options et catégories de véhicules disponibles). Enfin, aucune manifestation concrète de l’utilisation anticoncurrentielle des données ainsi obtenues par les loueurs n’a été établie.
En conclusion « il n’est pas établi que les informations échangées mensuellement par les loueurs au travers des gestionnaires d’aéroport avaient un caractère stratégique au sens où leur transmission pouvait avoir comme effet potentiel de restreindre leur autonomie en révélant périodiquement leurs positions et leurs stratégies sur les marchés affectés » (§ 146)
2°) Au titre du second grief, étaient poursuivis 4 loueurs de véhicules de courte durée à qui il était reproché de s’être entendus pour « mettre en place une surcharge gare selon une stratégie préalablement établie concernant le calendrier d’annonce aux clients et le début de l’application de cette surcharge. »
Or, l’Autorité a relevé que, même si un tableau intitulé « supplément gare » saisi lors de l’enquête permettrait de conclure à l’existence de contacts entre loueurs limités à la question du calendrier d’application de la surcharge gare, des courriels internes produits par les mises en cause lors des débats montrent qu’elles ont eu connaissance de leur décision de mettre chacune en place cette surcharge par l’intermédiaire de leurs clients communs. En outre, et il s’agit de la jurisprudence traditionnelle sur le parallélisme de comportements, la mise en place de cette surcharge gare pouvait s’expliquer autrement que par une concertation préalable en raison des nouvelles contraintes de coûts imposées par la SNCF auxquelles les 4 loueurs ont été confrontés simultanément (ex : Cons. conc., déc. n° 92-D-56, 13 oct. 1992, conf. par CA Paris, Paris 1re ch., sect. Concurrence, 20 octobre 1993).
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