La vente de médicaments en ligne, c'est pour bientôt ?
Malgré la transposition de la directive Européenne (n°2011/62/UE) par l’ordonnance n°2012/1427 du 19 Décembre 2012 autorisant la vente en ligne de médicaments délivrés sans prescription, la vente en ligne a bien du mal à s'installer. Les textes qui se succèdent ne brillent pas par leur ouverture et maintiennent des restrictions injustifiées.
On ne s'étonnera donc pas que, saisie par le Gouvernement de deux projets d’arrêtés relatifs au commerce électronique de médicaments, l’Autorité de la Concurrence exprime dans l' avis n°16-A-09, rendu le 26 Avril 2016, une opinion défavorable.
Elle avait déjà émis, dans un précédent avis (n°13-A-12 du 10 Avril 2013) relatif à un projet d’arrêté sur les bonnes pratiques de la dispensation des médicaments par voie électronique, des recommandations qui n’avaient été que partiellement suivies par le Gouvernement dans un arrêté du 20 Juin 2013 finalement annulé par le Conseil d’Etat (arrêt du 16 Mars 2015) .
L’Autorité critique à nouveau les exigences imposées aux pharmaciens dont elle avait précédemment estimé, en 2013, qu’elles n’étaient pas adaptées à la vente en ligne :
- L’interdiction pour les sites internet français d’avoir recours à des pratiques commerciales liées à la vente en ligne telles que :
- Le libre recours aux liens hypertexte et aux lettres d’information (sous réserve du respect des règles déontologiques).
- La sous-traitance à un tiers de l’activité de vente par internet.
- Le référencement dans les moteurs de recherches ou comparateurs de prix contre rémunération.
- La valorisation de leurs prix par voie d’affichage.
- Les cyberpharmaciens (pharmaciens exploitant un site internet) sont tenus de l’obligation de présenter la notice du médicament en format PDF : cette obligation augmente considérablement le temps de latence sur le site, facteur d’abandon anticipé de la commande.
- Ils sont également tenus à des limitations quantitatives de délivrance : pas plus d’un mois de traitement à posologie usuelle.
- Tout d’abord, l'avis estime que les pharmaciens seraient confrontés à des contraintes économiques et techniques trop lourdes :
- La première concerne un alourdissement excessif des coûts d’exploitation du service des pharmacies. En effet, les cyberpharmacies doivent désormais tenir compte du chiffre d’affaire réalisé en ligne dans l’application des règles relatives à l’embauche des pharmaciens (nombre proportionnel au chiffre d’affaires réalisé par l’officine).
- La seconde oblige les cyberpharmaciens à préparer leur commande et à stocker leurs produits dans les locaux de l’officine ou dans des locaux se situant à proximité de l’officine. Cette obligation peut devenir un obstacle « insurmontable » pour un site internet en pleine croissance, notamment pour les pharmacies de ville.
- En outre, les nouveaux projets prévoient des contraintes poussées en analyse pharmaceutique. Si l’ancien projet introduisait déjà « un questionnaire de santé complet », désormais le pharmacien peut être conduit à solliciter le patient sur des informations couvertes par le secret médical (analyses biologiques, antécédents pathologiques ou le diagnostic établi par le médecin). Le pharmacien est également invité à joindre à chaque commande une « intervention pharmaceutique » ( Or, un tel niveau d’exigence apparait disproportionné au regard de l’interdiction de la vente en ligne de médicaments délivrés sous ordonnance, et des informations habituellement délivrées dans le cadre de la vente au comptoir).
- Enfin, le nouvel arrêté impose des contraintes relatives à la mise en place d’un système de management de qualité.
L’Autorité constate donc un alourdissement général des règles prévues par les arrêtés de 2013 qui n’avaient engendré qu’un faible développement de sites internet de vente de médicament en France (1,34% des officines recensées au 1er Janvier 2015 avaient développé un site internet de vente en ligne de médicaments) ; au surplus si ces nouvelles conditions ne sont pas respectées, il sera possible d’engager la responsabilité du pharmacien titulaire qui pourra se voir reprocher de ne pas avoir mis tous les moyens en œuvre pour garantir la qualité de dispensation du médicament.
En conclusion, ces prétendues « bonnes pratiques » ne sont pas justifiées pour des médicaments vendus sans ordonnance. Elles auraient pu l’être pour des médicaments soumis à une prescription médicale. Cependant, l’Autorité approuve l’autorisation de vente en ligne de médicament en ce qu’elle permet la modernisation de la profession de pharmacien, mais aussi plus de visibilité et de souplesse caractéristiques de la vente en ligne (horaires et accessibilité, tarifs bas et informations claires sur les prix).
Historique
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