Guess condamnée pour des accords contenant des géoblocages anticoncurrentiels
Publié le :
20/12/2018
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décembre
déc.
12
2018
Source : europa.euCommission européenne, 17 déc. 2018, communiqué de presse
La Commission européenne inflige 40 millions d'euros d’amendes à Guess, pour des accords anticoncurrentiels visant à empêcher les ventes transfrontières
A la suite d’une enquête ouverte en juin 2017 concernant le réseau de distribution sélective Guess, la Commission a considéré que, entre le 1/01/2014 et le 31/10/2017, les accords conclus par Guess avec ses distributeurs contenaient quatre types de restrictions de concurrence constituant autant de géo-blocages anticoncurrentiels :
- La restriction à la liberté d'utiliser les marques de commerce ou de fabrique Guess aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne;
- La restriction à la liberté de commercialiser des produits en ligne sans une autorisation préalable spécifique octroyée par Guess. La société avait toute latitude pour cette autorisation, qui n'était pas fondée sur des critères de qualité précis;
- La restriction à la liberté de vendre des produits à des consommateurs situés en dehors des territoires alloués aux détaillants autorisés;
- La restriction à la liberté de réaliser des ventes croisées entre grossistes et détaillants autorisés; et
- La restriction à la liberté de décider en toute indépendance du prix de vente au détail auquel ils vendent des produits Guess.
Le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques résulte de ce qu’elles limitent la liberté des consommateurs de choisir le détaillant agréé auprès duquel effectuer leurs achats, y compris au-delà des frontières nationales, et celle des distributeurs agréés d'offrir les produits couverts par le contrat de distribution en ligne, de faire de la publicité et de vendre par-delà les frontières, et de fixer leurs prix de revente.
Or, selon la Commission, l’un des principaux avantages du marché unique européen est précisément d’offrir aux consommateurs la possibilité d'effectuer des achats transfrontières offrant un choix plus vaste et des conditions plus avantageuses.
Cette décision a été adoptée dans la continuité de l’enquête sectorielle de la Commission européenne sur le commerce en ligne initiée en mai 2015 dans le cadre des différentes actions dédiées à la création d’un Marché unique numérique réunissant les 28 Etats membres.
Le 18 mars 2016, la Commission avait publié les premiers résultats de l’enquête, obtenus après avoir interrogé détaillants et fournisseurs, constatant l’existence de blocages géographiques empêchant les e-consommateurs d’accéder à des biens ou des services numériques dans un autre pays de l’UE. Une enquête d’acheteurs-mystère avait montré que les consommateurs ne parviennent au stage final du processus d’achat transfrontalier que dans 37% des cas, alors que toutes les autres fois ils sont bloqués parce qu’on leur refuse l’accès au site (2% des cas), et/ou qu’on leur demande de s’enregistrer préalablement (27% des cas), et/ou qu’on refuse la livraison (32%) et/ou encore qu’on refuse tout simplement le paiement (26%).
Les pratiques sanctionnées sont de celles qui avaient été identifiées dans le rapport préliminaire du 15 septembre 2016 et le rapport final du 10 mai 2017. A l’époque, Mme Margreth Vestager avait annoncé que l’enquête pourrait déboucher sur des contentieux (Communiqué de presse du 18 mars 2016 IP/16/22).
En voilà la confirmation.
Si la plupart de ces pratiques a déjà fait l’objet d’une pratique décisionnelle maintenant bien établie(1) celle consistant à empêcher d'utiliser les marques de commerce ou de fabrique du fournisseur aux fins de la publicité liée aux recherches en ligne est moins connue des autorités de concurrence.
Or, la plateforme de publicité Google Adwords(2) est l’un des principaux leviers commerciaux en e-commerce ; le fait pour les distributeurs de pouvoir faire de la publicité en utilisant le signe distinctif du produit pour lequel il est agréé, dénominateur commun de tous les distributeurs agréés et reconnaissable par tous les consommateurs, est essentielle pour la visibilité du distributeur mais aussi et surtout pour permettre au consommateur de comparer les offres de prix. Google(3) permet aux propriétaires de marques protégées de revendiquer auprès d’elle cette protection pour empêcher toute utilisation du signe distinctif par un autre, y compris parfois par les distributeurs agréés.
Depuis le 3 décembre 2018, un règlement spécifique (règlement UE n° 2018/302) adopté sur les préconisations de la Commission en 2016 interdit les géoblocages injustifiés ce qui inclut les dispositions des accords de distribution qui empêchent les distributeurs dans le cadre de ventes passives à limiter pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d’établissement du client, l’accès aux interfaces en ligne (art. 3) ou l’accès aux bien ou aux services (art. 4), ou encore à discriminer les clients dans les moyens de paiement pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d’établissement d’un client, à la localisation du paiement, au lieu d’établissement du prestataires de services du paiement ou au lieu d’émission de l’instrument de paiement sans l’Union (art. 5). La sanction du manquement à l’interdiction de ces dispositions et la nullité de plein droit (art. 6).
Les fournisseurs doivent donc plus que jamais vérifier que leurs accords ne contiennent pas des mesures de géoblocage injustifiées.
1 sur l’interdiction de vendre par Internet : CJUE, 13 oct. 2011, Pierre Fabre Dermo Cosmetique, aff. C-439/09 ; sur l’interdiction de recourir à des places de marché : CJUE, 6 déc. 2014, aff. C-230/16, Coty germany GmbH, pt. 24;
2 Google domine le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, notamment en France avec 70% des revenus dégagés : Avis n° 10-A-29, §231 et Avis n° 18-A-03; part de marché encore constatée dans d’autres pays européens par la Commission européenne dans ses décisions Google Shopping de 2017 et Android de 2018
3 Lorsqu’un annonceur enchérit sur une marque déposée par un autre pour faire de la publicité, il encourt une condamnation au titre de la contrefaçon de marque mais pas Google qui bénéficie du statut de l’hébergeur avec un régime de responsabilité allégé, prévu à l’art. 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (dite LCEN) : CJUE ; 23 mars 2010, Google c/ Louis Vuitton Malletier, Google c/ CNRRH et Google c/ Viaticum SA et Luteciel SARL, aff. C-236-08, C-237/08 et C-238/08 ; CA Paris, Pôle 5, chambre 1, 9 avril 2014, Google c/ Voyageurs du monde, Terres d’Aventure. Lire la suite
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