Expédia/hôteliers : les clauses de parité en question
Publié le :
11/05/2015
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Nous avons commenté il y a quelques jours la décision de l'Autorité de la concurrence acceptant des engagements de Booking.com sous bénéfice d'inventaire dans un peu plus d'un an. Les engagements semblaient, disons, un peu "light"...
De son coté, le tribunal de commerce de Paris était saisi de questions proches, mais distinctes, sur les clauses de parité, non sous l'angle des pratiques anticoncurrentielles mais sous celui de l'interdiction des pratiques restrictives. Le ministre de l'économie était partie à la procédure et demandait le prononcé d'une amende . Les syndicats hôteliers membres du Groupement National de l’Hôtellerie s’étaient joints dans le cadre d’une intervention accessoire fortement contestée par l'OTA, mais le tribunal a jugé cette action recevable.
Dans un jugement très intéressant et très bien argumenté, le tribunal après s'être déclaré compétent et avoir débouté EXPEDIA de sa demande de sursis à statuer (fondée sur la procédure devant l'Adlc), s'est donc prononcé sur les clauses visant à obtenir automatiquement des hôteliers les meilleures conditions tarifaires et promotionnelles :
- pour les établissements situés en France, l’article L. 442-6 I 2 ° est une loi de police ;
- faute de contrepartie suffisante, les clauses de parité tarifaire et de conditions sont constitutives d’un déséquilibre significatif et sont donc nulles : « le fait d’assurer au consommateur le prix le plus bas (ce qui est mis en avant sur les sites Internet) est assuré par les défenderesses en conservant intégralement leur marge relative (fixée en pourcentage, avec éventuellement un plancher en valeur absolue) et non en faisant un effort sur leurs propres taux de marge, même en cas de promotion accordée par l’hôtel (…) ces dispositions peuvent peser très fortement sur la marge réelle des dernières chambres vendues à des tarifs professionnels, sans impacter significativement les marges des défenderesses (…) la clause « d’alignement automatique sur les meilleures conditions tarifaires » n’est pas la contrepartie d’un risque ou d’un engagement d’achat minimum justifiant un tel avantage » ;
Or :
-" il n'y a pas lieu de considérer la coexistence de deux clauses dans la mesure où le tribunal a retenu la nullité des clauses visant à l'obtention automatique des meilleures conditions tarifaires et promotionnelles dans les contrats faisant l'objet de la présente instance" ; -
- "dans la mesure où l'hôtelier reste libre de fixer son prix, selon le canal de distribution, (cette clause)... est la contrepartie de la visibilité offerte par les défenderesses sans rémunération financière fixe".
Le tribunal ne fait pas non plus droit à la demande d'amende civile, observant que "le ministre de l'économie n'a pas produit d'éléments permettant d'apprécier le préjudice subi, ni demandé la répétition de l'indu".
Surtout, il ordonne l’exécution provisoire :
« il convient de faire cesser le trouble à l’ordre public économique constaté sans plus tarder (…) s’agissant de clauses qui, selon les défenderesses, sont conformes à l’intérêt des deux parties, elles ne devraient avoir aucune difficulté à demander à leur cocontractants de signer à nouveau cette clause dans le cas où l’instance d’appel la considèrerait comme conforme aux textes ».
Expédia a souligné le caractère "complexe" du jugement qui envisagerait « toutes les options » ? ??? S'il est vrai que le jugement (effet relatif) ne concerne que les contrats soumis à l'appréciation du tribunal, la motivation concerne le principe même des clauses de parité tarifaire appliquées par tous les OTAs.
Si le Ministre de l'économie était partie à la procédure, c'est bien en raison de sa mission de gardien de l'ordre public économique, ce qui montre que la question était plus large que l'analyse de quelques contrats.
Le lecteur pourra vérifier par lui-même que le jugement est parfaitement clair, dire le contraire est une contre-vérité manifeste, preuve en PJ (lien ci-dessous).
Une question demeure : si les hôteliers - s'appuyant sur ce jugement - se rebiffent contre les clauses de parité tarifaire, et si dans leur grande sagesse concurrentielle les OTAs ne les appliquent plus, comment l'Autorité pourra-t-elle faire un bilan ? Affaire à suivre donc !
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