OVS : nouvelles précisions
Auteurs : Sylvie Cholet, avocate associée, et Marc-Antoine Gévaudan, avocat collaborateur
Publié le :
01/03/2023
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2023
Source : www.legifrance.gouv.frCass. crim., 21 février 2023, n° 21-85.572
Dans un arrêt du 21 février 2023 qui fera l’objet d’une publication au bulletin, la chambre criminelle de la Cour de cassation a donné un double éclairage sur les pouvoirs des agents et les droits des personnes visées par des opérations de visite et saisies en matière de droit de la concurrence.
1°) D’abord, elle retient que des données informatiques peuvent être examinées et saisies dès lors qu’elles se trouvent dans les locaux objet des investigations, ou que ces données sont accessibles depuis ces locaux.
En l'espèce, la société ayant fait l’objet des opérations de visites et saisies avait demandé au premier président de la Cour d’appel de Versailles l’annulation de la saisie de pièces qui appartenaient à des personnes non visées par l’autorisation du juge des libertés et de la détention (il s'agissait de salariés d’une filiale du groupe et d'un consultant extérieur, présents dans les locaux le jour des opérations de visites et saisies).
Ce moyen avait été écarté par le juge du recours, qui retient que « le fait que la société [X] ne soit pas domiciliée à la même adresse que la société [Y] ne fait pas obstacle à ce que les données informatiques de ses salariés puissent être examinées et saisies dès lors qu’ils se trouvent dans les locaux, objet des investigations ou que leurs données sont accessibles depuis ces locaux. ».
La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel de Versailles en se fondant explicitement sur un arrêt du 16 décembre 2022 rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation,
« La Cour de cassation juge que les saisies opérées par les agents de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en exécution d’une ordonnance délivrée par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier peuvent porter sur tous les documents et supports d’information qui sont en lien avec l’objet de l’enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu’il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l’occupant des lieux (Ass. Plén., 16 décembre 2022, pourvois n° 21-23.685 et 21-23.719, publiés au Bulletin). ».
Cette position de principe , adoptée en matière de perquisitions fondées sur l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, est donc transposable « aux visites diligentées en application de l’article L. 450-4 du code de commerce », soulignant une volonté de la Cour de cassation d’harmoniser les différentes procédures applicables aux opérations de visite et de saisies.
2°) Ensuite, elle limite la possibilité pour l’occupant des lieux de saisir le juge des libertés et de la détention, chargé de contrôler le bon déroulement des opérations, par le biais de l’officier de police judiciaire.
La Cour de cassation valide l’arrêt du premier président de la Cour d’appel de Versailles ayant retenu que « l’officier de police judiciaire n’est pas tenu, au risque d’ailleurs de surcharger le magistrat en cas d’opérations simultanées, de rendre compte à tout moment de leur déroulement et que la transmission de réserves, après la fin des investigations, ne fait pas obstacle au contrôle juridictionnel du premier président. ».
Plus précisément, la Cour de cassation statue ainsi:
“12. En premier lieu, les réserves formulées en l’espèce étaient manifestement infondées en ce qu’elles portaient sur la prétendue nécessitée de communiquer immédiatement les mots clés utilisés par les agents de l’Autorité de la concurrence.
13. En second lieu, les réserves exprimées concernant le champ des éléments saisis relevaient du recours devant le premier président. Dès lors, aucune atteinte irréversible n’a été causée aux intérêts de la société [2], qui a pu faire valoir ses arguments devant ce dernier."
L’officier de police judiciaire présent lors des opérations n’est donc pas tenu de transmettre immédiatement au JLD les réserves de l’occupant des lieux s’agissant de contester une atteinte à ses intérêts, à laquelle il peut être remédié dans le cadre du recours devant le premier président de la Cour d’appel territorialement compétent.
***
Encore une occasion d’insister sur le caractère fondamental de ce recours qui se doit en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme correspondre à « un contrôle juridictionnel, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement ; le ou les recours disponibles doivent permettre, en cas de constat d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié.»[1]
Ces principes sont également applicables en matière de visites domiciliaires fondées sur l’article L. 450-4 du code de commerce[2]...
[1] CEDH, 21 déc. 2010, requête n° 26913/08, aff. Compagnie des gaz de pétrole Primagaz c/ France ; voir aussi CEDH, 5e Sect. 21 décembre 2010, Requête n° 29408/08, Société Canal + et autres c/ France ; CEDH, 21 février 2008, 3è Sect., Ravon et autres c. France, n° 18497/03, §§ 28-35, 16 oct. 2008, Maschino c/ France, n°10447/03, § 22 ; 18 sept. 2008, Kandler et autres c/ France, n 18659/05, § 26
[2] CEDH, 24 juill. 2008, André et autres c/ France, req. n° 18603/03 ; 18 sept. 2008, Kandler c/ France, req. n° 18659/05 ; 16 oct. 2008, Maschino c/ France, req. n° 10447/03 ; 20 nov. 2008, IFB c/ France, req. n° 2058/04 ; 21 déc. 2010, req. n° 29613/08, Primagaz c/ France ; 21 déc. 2010, req. n° 29408/08, Canal plus c/ France
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