Le contrôle judiciaire du prix sans soumission
Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-11.163
Le 11 janvier 2023[1] la Cour de cassation a affirmé la possibilité du contrôle judiciaire du prix sur le fondement de l’article L442-6 I 1° du code de commerce.
Cette solution a été rendue sur pourvoi d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 4 novembre 2022 dans une affaire concernant une relation de sous-traitance, où le ministre chargé de l’Economie poursuivait un constructeur immobilier ayant procédé à la déduction automatique d’une remise sur factures de 2% au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), en plus de s’octroyer un escompte de 3% sans paiement dans les délais.
Bien que s’agissant d’avantages ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, la Cour de Paris avait statué ainsi :
“En raison du principe de la libre négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle ne s’effectue pas en dehors d’un déséquilibre significatif, lorsque le prix n’a pas fait l’objet d’une libre négociation, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-749 QPC (voir considérant n°7) à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (Cass.com. 25 janv. 2017, N° 15-23547).”
Or, entre temps, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le nouvel article L442-1 1° du code de commerce (version du 24 avril 2019) a validé la constitutionnalité du texte en ce qu’il permet au juge de contrôler « les conditions économiques de la relation commerciale” mais “uniquement pour constater une pratique illicite tenant à l’obtention d’un avantage soit dépourvu de contrepartie, soit manifestement disproportionné au regard de cette dernière"[2].
Aux termes de l'arrêt commenté, la Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, au motif que «l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage […] ».
Cette solution permet à la Cour de cassation de se rallier à l’ensemble des juridictions ayant récemment statué dans ce sens que ce soit sur le fondement de ce texte tel que rédigé avant le 19 avril 2019 (CA Paris, 7 déc. 2022[3]) ou du nouvel article L442-1 I 1° du code de commerce (Cons. Const. 6 oct. 2022, QPC n°n°2022-1011 et CE 21 déc. 2022 commentés sur ce site: La constitutionnalité du contrôle judiciaire du prix dans un contrat librement négocié | SELINSKY CHOLET (SELARL) (selinsky-avocats.com).
Reste toutefois une question : comment le 1° de l’ancien article L442-6 I et du nouvel article L442-1 I du code de commerce va t-il s’articuler avec le 2° ? Le contrôle du prix sera t-il réalisé de la même manière y compris lorsqu’il présente une contrepartie et/ou qu’il a été librement négocié ?
L’arrêt du Conseil d’Etat du 21 décembre 2022 semble en tout cas rejeter l’idée d’un régime unifié de la démonstration du déséquilibre significatif et de l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné à sa valeur : “ la substitution de la notion de " contrepartie " à celle de " service commercial " figurant auparavant au 1° du I de l'article L. 442-6 […] ne saurait ainsi permettre, [...] de caractériser un manquement du seul fait d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, à la différence de la pratique mentionnée antérieurement au 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce et désormais reprise au 2° du I de l'article L. 442-1, qui exige en outre l'existence d'un rapport de soumission entre les parties.”
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