LOI MACRON: LES CHANGEMENTS AFFECTANT LE DROIT MATERIEL DE LA CONCURRENCE DANS LE DOMAINE DE LA DISTRIBUTION
Publié le :
25/08/2015
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Bien non prévu dans le projet de loi, l’Assemblée nationale a souhaité saisir l’occasion de la loi Macron pour modifier certaines dispositions du Code de commerce affectant la distribution commerciale.
1°) Les modifications apportées au Livre III du code de commerce relatif à certaines formes de ventes et des clauses d’exclusivité
La loi Macron insère dans le Livre III du Code de commerce un nouveau Titre IV intitulé « des réseaux de distribution commerciale » avec pour objectif de faciliter les changements d’enseigne pour les commerçants.
Ce titre sera composée de deux articles, les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce.
L’article L. 341-1 a pour objet d’aligner l’échéance des contrats conclus par la tête d’un réseau de distribution commerciale avec l’exploitant d’un commerce de détail, « ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale ».
Ces contrats doivent prévoir une échéance commune (art. L. 341-1 al.1) et la résiliation de l’un vaut résiliation des autres (art. L. 341-1 al.2).
En vertu de l’article L. 341-2 du code de commerce, « Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite». Ce principe souffre toutefois d’une exception, conforme au Règlement UE n° 330/2010 (art. 5.3) et aux lignes directrices qui l’accompagnent, concernant les clauses de non concurrence post-contractuelles lorsque la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles réunissent les 4 conditions cumulatives suivantes :
- 1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat;
- 2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat;
- 3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat;
- 4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1 du code de commerce.
Ces dispositions s’appliqueront à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, aux réseaux dirigés par des personnes physique ou morale qui (i) soit mettent à la disposition d’une autre un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, (ii) soit regroupent des commerçants. Autrement dit, les réseaux de distribution ne prévoyant pas d’exclusivité d’approvisionnement sont concernés, y compris donc les réseaux de distribution sélective.
Trois types de contrats sont exclus du champ de ces dispositions : les contrats de bail dont la durée est régie par l’article L. 145-4, les contrats d’association et les contrats de société civile, commerciale ou coopérative (C. com., art. L. 341-1 al.3). Sont également exclus, les réseaux de distribution mis en place par des magasins collectifs de magasins indépendants et des sociétés de caution mutuelle, visés respectivement aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du code de commerce (C. com., art. L. 341-1).
Ces dispositions répondent aux préoccupations de concurrence révélées dans l’avis n° 10-A-26 de l’Autorité de la concurrence relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants qui, même si elles visaient le secteur de la distribution alimentaire, affectent de manière générale tous les secteurs concernés par la distribution commerciale. L’Autorité avait en effet identifié plusieurs dispositifs dans les relations entre les affiliés et les groupes de distribution ayant pour objet et/ou pour effet de dissuader l’affilié de sortir du réseau. Parmi ces dispositifs figurent les échéances différentes entre les nombreux contrats liant le magasin et la tête de réseau et les clauses de non concurrence post contractuelles à la charge de l’affilié.
D’autres mesures concrètes sont annoncées afin de renforcer la concurrence spécifiquement dans le secteur de la grande distribution, en facilitant les changements d’enseignes dans ce secteur afin d’augmenter le pouvoir d’achat des Français, diversifier l’offre pour le consommateur dans les zones de chalandise tout en permettant au commerçant de faire jouer la concurrence entre enseignes, notamment au niveau des services que celles-ci proposent. A cette fin, le gouvernement remettra un rapport au Parlement contenant ces mesures dans les 4 mois de la promulgation de la loi.
2°) Les modifications apportées au Titre IV du Livre IV du code de commerce relatif aux négociations commerciales et aux pratiques restrictives de concurrence
a) La modification des règles relatives aux délais de paiement (article L. 441-6 du code de commerce)
L’article L. 441-6 I, alinéa 9 du code de commerce est modifié afin de supprimer le délai de quarante-cinq jours fin de mois qui figurait comme un délai de paiement maximum de principe, alternatif au délai de soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Désormais ce dernier délai est le seul délai de principe et le délai de quarante-cinq jours fin de mois n’est admis qu’à titre dérogatoire à condition qu’il « soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. »
Un nouvel alinéa est en outre ajouté à l’article L. 441-6 du code de commerce, afin de prévoir une autre dérogation à l’alinéa 9, « pour les ventes de produits ou les prestations de services relevant de secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué » qui peuvent faite l’objet d’un délai de paiement spécifique, à condition d’être expressément stipulé par contrat et de ne pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier. Ce délai spécifique « ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013 en application d’un accord conclu sur le fondement du III de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. » Il est en outre prévu qu’un décret fixe la liste des secteurs concernés.
b) L’instauration d’un régime spécifique de négociation commerciale dans les relations entre fournisseur et grossistes
Un nouvel article L. 441-7-1 du code de commerce est inséré après l’article L. 441-7 relatif à la convention unique afin de prévoir un régime spécifique aux conventions conclues entre fournisseur et grossistes ayant pour objet d’acter les résultats de la négociation commerciale.
Ainsi, l’article L. 441-7 I du code de commerce précise désormais en son dernier alinéa qu’il ne réglemente pas « la convention conclue entre un fournisseur et un grossiste conformément à l’article L. 441-7-1 du Code de commerce ».
Certaines dispositions s’appliquant aux conventions conclues entre un fournisseur et son distributeur ou prestataire de services ne figurent pas dans ce nouvel article L. 441-7-1 du code de commerce :
- l’obligation d’indiquer dans la convention le barème de prix du fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation ;
- l’obligation pour le fournisseur de communiquer au distributeur ses conditions générales de vente au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ou deux mois avant la période de commercialisation des produits ou services soumis à un cycle de commercialisation en particulier ;
- les dispositions relatives à l’entrée en vigueur du prix convenu figurant à l’article L. 441-7 I selon lesquelles ce prix « s'applique au plus tard le 1er mars. La date d'entrée en vigueur des clauses prévues aux 1° à 3° ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d'effet du prix convenu. » ;
- l’interdiction de prévoir une rémunération des obligations relevant des services de coopération commerciale (obligations relevant du 2° de l’article L. 441-7 et 3° de l’article L. 441-7-1) et des autres obligations (obligations relevant du 3° de l’article L. 441-7 et 4° de l’article L. 441-7-1) ainsi que, le cas échéant, la réduction de prix globale afférente aux obligations relevant de ces autres obligations, manifestement disproportionnées par rapport à la valeur de ces obligations.
- la possibilité de conclure un mandat pour fixer les conditions dans lesquelles le cas échéant le fournisseur s’engage à accorder aux consommateurs, en cours d’année, des avantages promotionnels sur ses produits ou services (le grossiste n’étant pas en relation avec les consommateurs) ;
- l’obligation pour le distributeur ou le prestataire de services de répondre de manière circonstanciée à toute demande écrite précise du fournisseur portant sur l'exécution de la convention, dans un délai qui ne peut dépasser deux mois.
En revanche, la convention unique conclue entre un fournisseur et un grossiste devra, en plus des conditions de vente, des conditions dans lesquelles sont rendus les services de coopération commerciale et des « autres obligations », fixer « le cas échéant, les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées », ce que ne prévoit pas l’article L. 441-7 I du code de commerce.
En outre, le libellé des conditions dans lesquelles sont rendues les services de coopération commerciale propres à favoriser la commercialisation des produits (2° de l’article L. 441-7 I, correspondant au 3° de l’article L. 441-7-1 I) subit une petite adaptation : ces services sont ceux qui sont rendus au fournisseur non pas « à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels » comme indiqué dans l’article L. 441-7 I du code de commerce, mais « en vue de la revente de ses produits aux professionnels ».
L’article L. 441-7-1 II du code de commerce définit la notion de grossiste comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité. ».
Cette définition
- inclut les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.
- exclut les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail.
Enfin, le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences du I de l’article L. 441-7-1 du code de commerce est sanctionné par une amende administrative de la même façon que pour les conventions régissant les relations entre fournisseur et son distributeur ou prestataire de service (C. com., art. L. 441-7-1, III).
c) L’élargissement du champ d’application de l’article L. 441-8 du code de commerce relatif à la clause de variation tarifaire
La loi Hamon du 17 mars 2014 avait créé un article L. 441-8 du code de commerce afin de prévoir une obligation d’insérer une clause de variation tarifaire, dans les contrats d’une durée supérieure à 3 mois portant sur la vente de certains produits agricoles. Le non respect de cette obligation est sanctionné par une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.
Les produits qui sont concernés sont les produits figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 442-9 du code de commerce - complétée, le cas échéant, par décret - dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires.
La loi Macron ajoute un dernier alinéa à l’article L. 441-8 du code de commerce pour inclure dans son champ d’application les contrats d’une durée d’exécution supérieure à 3 mois portant sur la conception et la production de ces mêmes produits, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur.
d) La modification de la sanction des pratiques restrictives de concurrence relevant de l’article L. 442-6 du code de commerce
L’article L. 442-6 III du code de commerce organise les modalités de l’action intentée pour sanctionner les pratiques restrictives de concurrence, action en responsabilité de l’auteur des pratiques prévue au I ou en nullité des clauses ou contrats prévue au II.
Le second alinéa de cette disposition est relatif à la sanction de ces pratiques que le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander lorsqu’ils saisissent la juridiction civile ou commerciale compétente ; ils peuvent en effet
- demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques
- faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu
- demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros, mais pouvant représenter le triple du montant des sommes indûment versées.
- demander la réparation des préjudices subis
Le nouvel article L. 442-6 du code de commerce prévoit désormais que l’amende civile devra être fixée dans le respect du plafond de 2 millions d’euros, mais être soit portée au triple du montant des sommes indûment versées comme cela était déjà prévu, soit et c’est la nouveauté, être portée « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ».
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