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La saisine d'office de l'Autorité de la concurrence avant et après la réforme de 2008

Publié le : 19/10/2015 19 octobre oct. 10 2015
Source : www.conseil-constitutionnel.fr
Cons. const., 14 oct. 2015, déc. n° 2015-489 QPC, Société des Grands Moulins de Strasbourg
 
Le Conseil constitutionnel a rendu un arrêt important sur la constitutionalité de deux dispositions intéressant les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence :
  • L’article L. 462-5 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure au 13 novembre 2008, prévoyait la possibilité pour le Conseil de la concurrence (devenu Autorité de la concurrence) de se saisir d’office de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du Code de commerce.  Aux termes de son ordonnance n° 2008-1161 en date du 13 novembre 2008, le gouvernement a modifié le texte afin de prévoir l’intervention du rapporteur général dans la procédure de saisine d’office plus respectueuse du principe de séparation entre les fonctions d’instruction d’une part et de jugement d’autre part : en décidant l’auto-saisine elle même, sans qu’elle soit proposée par les service d’instruction,  l’Autorité s’exposait à la critique du pré-jugement de l’affaire sur laquelle elle serait par la suite amenée à se prononcer.
  • Le 12 octobre 2012, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en faveur de la constitutionnalité du texte dans sa version postérieure au 13/11/2008 – dans une affaire relative à une procédure de vérification de l’exécution des injonctions, prescriptions ou engagements figurant dans une décision autorisant une opération de concentration – considérant qu’il ne porte pas atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789, tant qu’il respecte certaines garanties légales dont il appartient  à la juridiction compétente de contrôler le respect : le rapporteur général propose la saisine puis assure l’instruction,  le collège pour sa part se prononce sur les griefs notifiés et le cas échéant inflige les sanctions au cours d’un délibéré auquel n’assistent pas le rapporteur général et le rapporteur (Cons. const., déc. n° 2012-2180 du 12 oct. 2012, Canal Plus) ; à la suite de cet arrêt, le Conseil d’Etat statuait dans la même affaire en faveur cette fois de la conventionalité de la disposition en question, considérant que « la faculté d'auto-saisine dont dispose l'Autorité de la concurrence fait l'objet d'un encadrement suffisant » après avoir bien précisé que l’auto-saisine est décidée sur proposition du rapporteur général et que « l’Autorité de la concurrence ne dispose pas de pouvoirs de poursuite » (CE, Ass., 21 déc. 2012, n° 353856, groupe Canal Plus et Vivendi Universal).
 
  • Le 27 novembre 2014, la Cour de Paris a refusé de transférer une QPC portant sur la constitutionnalité de la disposition dans sa version antérieure au 13/11/2008 - dans une affaire initiée par une demande de clémence ayant fait l’objet d’un avis du rapporteur général - aux motifs suivants : «Dans le cadre de cette procédure, c’est sur proposition du rapporteur général que le conseil de la concurrence, devenu Autorité de la concurrence, rend son avis de clémence (…), par suite, la saisine d’office n’est qu’une modalité nécessaire pour permettre la dévolution des faits concernés par la dénonciation à l’Autorité de la concurrence, et pour permettre le déclenchement de l’instruction du dossier » (CA Paris, 27 nov. 2014, Brenntag SA, p.6) ;
 
Une voie semblait donc ouverte à l’inconstitutionnalité de l’ancien texte appliqué en dehors d’une procédure de clémence où le rapporteur général n’intervient aucunement avant la saisine d’office. La voici fermée par le Conseil constitutionnel dans son arrêt du 14 octobre dernier aux termes d’un considérant ressemblant beaucoup à celui formulé en 2012, à cette exception près que la circonstance que le rapporteur général propose la saisine ne figure plus parmi les garanties légales permettant d’écarter le risque de confusion et d’impartialité. A la place, le Conseil constitutionnel énonce que « cette décision  par laquelle le Conseil exerce sa mission de contrôle du bon fonctionnement des marchés n’a ni pour objet ni pour effet d’imputer une pratique à une entreprise déterminée; que, dès lors, elle ne  le conduit pas à  préjuger la réalité des pratiques  susceptibles de donner lieu  au prononcé de sanctions » (§7). Dès lors, qu’importe que, dans cette affaire, l’auto-saisine faisait suite à un avis de clémence du rapporteur général, le Conseil constitutionnel a pris soin de donner une portée générale à sa décision de constitutionnalité.
 
 
  • L’article L. 464-2 I du Code de commerce permet à l’Autorité de la concurrence de condamner une entreprise ayant mis en œuvre une pratique anticoncurrentielle à une amende plafonnée à « 10% du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ». Selon le Conseil constitutionnel, cette disposition ne méconnait pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines posés à l’article 8 de DDHC de 1789, au regard de la nature des agissements réprimés et de la possibilité qu’ils aient continué à procurer des gains illicites à l’entreprise. La disposition ne méconnait pas davantage le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait.
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