Cartel des câbles électriques : La CJUE rappelle le principe de la « présomption d’innocence » qui s’applique aussi en matière d’infraction par objet
CJUE 14 mai 2020 C-607/18 (NKT Verwaltungs GmbH et NKT A/S/Commission).
Par son arrêt du 14 mai 2020, la CJUE confirme la condamnation de NKT Verwaltungs GmbH et de sa filiale au titre du cartel dit « des câbles électriques » mais réduit légèrement le montant de l’amende (200 000 euros soit 5% du montant initial qui s’élevait à 3 887 000 euros).
En avril 2014, la Commission européenne avait infligé près de 302 millions d'amendes au total aux principaux producteurs européens et asiatiques de câbles électriques pour s’être, à partir de 1999 et pendant près de dix ans, partagé les marchés et réparti les clients à une échelle quasi-mondiale. D’importants projets d'infrastructures et liés aux énergies renouvelables, tels que des parcs éoliens en mer, ont été affectés par cette entente.
Le 12 juillet 2018, le TPIUE avait confirmé cette décision (TPIUE, 12 juillet 2018, NKT Verwaltungs et NKT/Commission; T‑447/14, non publié, EU:T:2018:443). Saisie d’un pourvoi formé par NKT et sa filiale NKT Verwaltungs, la Cour de Justice de l’Union annule partiellement l’arrêt du Tribunal au motif qu’il a commis trois erreurs de droit :
(i) D’abord, le Tribunal a, à tort, approuvé la Commission d’avoir condamné les requérantes pour un grief qui ne leur avait pas été préalablement communiqué jugeant que leurs droits de la défense n’auraient pas été enfreints (point 40) alors même qu’elles n’avaient pas reçu le grief au titre duquel elles ont été condamnées .
Or, comme la Cour le rappelle, l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 dispose que « [l]a Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations ».
Un tel principe exclut qu’une autorité de concurrence condamne une entreprise à une amende sans lui avoir préalablement communiqué les griefs retenus à son égard.
(ii) Ensuite, la Cour reproche au Tribunal d’avoir approuvé la Commission pour avoir condamné les requérantes au titre d’un comportement anticoncurrentiel commis par un autre opérateur.
Il ressort de la jurisprudence de la CJUE qu’une entreprise peut être condamnée dans un tel cas mais à la condition que
- elle ait elle-même adopté un comportement anticoncurrentiel qui lui est propre
- les deux comportements anticoncurrentiels (le sien et celui de l’autre opérateur) s’inscrivent dans une infraction unique et continue et, que
- elle ait eu connaissance du comportement anticoncurrentiel de l’autre entreprise ou aurait pu raisonnablement le prévoir.
Cette jurisprudence ne distingue pas les pratiques « essentielles » de celles qui ne le sont pas (arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 172 et jurisprudence citée).Or, en l’espèce, la Commission qui avait bien reconnu que les requérantes n’avaient pas participé à la pratique concernée (consistant à refuser de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente), était donc tenue de prouver qu’elles en avaient eu connaissance ou auraient pu raisonnablement la prévoir pour leur en imputer la responsabilité et le tribunal aurait dû le vérifier.
(iii) Enfin , la Cour considère que le Tribunal a violé la présomption d’innocence en approuvant la Commission d’avoir retenu la participation des requérantes au cartel pour la période précédant le 22 novembre 2002.
Un seul document (courrier électronique envoyé par Nexans au mois de septembre 2002) ne pouvait en effet suffire pour établir leur participation à l’entente pour cette période.
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